L'art est-il bon pour la santé ?
- Agnès Chambion
- 11 juin 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 avr.
Face à une oeuvre d’art, nous activons notre système de récompense. Jean-Pierre Changeux,
neurobiologiste et professeur au Collège de France, est le premier à avoir décrypté les mécanismes
neuronaux dans l’appréciation de la beauté (Du vrai, du beau, du bien, éditions Odile Jacob). Que
se passe-t-il donc dans notre tête ? Au départ, notre cerveau perçoit une oeuvre d’art comme
n’importe quel objet… Sauf que la surface de l’oeuvre va refléter de la lumière. C’est là que le beau
engendre quelque chose d’assez unique, constate Jean-Pierre Changeux : « Il y a la transformation
par la rétine des radiations lumineuses en signaux électriques qui se propagent dans notre
cerveau, du cortex visuel au cortex préfrontal, déclenchant une inondation de dopamine…
l’hormone du plaisir ! » Les circuits des émotions s’activent. La contemplation d’une oeuvre d’art
fonctionne comme une récompense. « Le beau est essentiel à l’être humain parce qu’il nous fait
du bien », rappelle le spécialiste.
L’art réveille notre empathie,
Stimule les émotions,la motricité
Et restaure la confiance en soi
D’après Platon, « le premier bien est la santé, le deuxième la beauté » (Lois II, 22). Les études en
neurosciences de ces dernières années ont confirmé lesintuitions des philosophes de l’Antiquité :
regarder une oeuvre d’art, faire de la musique, a deseffets directs sur notre cerveau.
Pour Pierre Lemarquis, neurologue, tout se passe comme si « l’art
nous caressait le cerveau ». Son ouvrage, Portrait du cerveau en artiste, explique que la
contemplation d’une oeuvre d’art sollicite le cortex frontal, siège de la raison (lorsque nous
cherchons à comprendre une installation d’art contemporain, par exemple). Si celle-ci nous plaît,
notre cerveau augmente la luminosité, le contraste et les couleurs pour en profiter pleinement.
Très vite, nous réveillons nos neurones miroirs, c’est-à-dire nos neurones de l’empathie. Plus
étonnant encore, le gyrus fusiforme bilatéral s’active aussi. C’est la zone impliquée dans la
reconnaissance des visages : on voit un beau tableau comme on voit une personne aimée ! Tout
cela se ressent sur notre santé.
Récemment, une enquête de chercheurs de l’University College de
Londres, publiée dans le British Journal of Psychiatry, concluait ainsi que les visites culturelles
réduisent les risques de souffrir de dépression au cours de la vie : 32 % de risques en moins de
tomber en dépression en devenant sénior, quand on se rend au cinéma, au théâtre ou au musée
plusieurs fois par an. Le chiffre grimpe à 48 % de risques en moins pour ceux qui s’y rendent une
fois par mois ou plus. L’art est une expérience qui agit à plusieurs niveaux.
En plus de stimuler les émotions et la motricité, le contact avec la beauté, avec l’ouverture
au monde qu’elle offre, restaure la confiance en soi.
Du rôle des couleurs et de la lumière
Couleurs et lumière : ces deux composantes de l’oeuvre d’art ont une influence notable sur notre
santé. Dès 1903, les effets thérapeutiques de la lumière ont été récompensés par le Nobel de
médecine attribué au Danois Niels Ryberg Finsen, débouchant sur la luminothérapie, que nos
voisins du Nord connaissent bien pour traiter les dépressions saisonnières et les insomnies.
Puissant régulateur de nos hormones, telle la mélatonine, et de nos nutriments, comme la
vitamine D, la lumière a un impact majeur sur le corps, l’esprit et le comportement. Les couleurs,
elles, agissent sur notre perception sensorielle. C’est le constat que faisait Léonard de Vinci il y a
cinq cents ans, débusquant dans les couleurs opposées un système apaisant… Une trouvaille que
la science va décrire en 1956 sous le nom de « loi des contrastes » : les cellules du système visuel
qui sont excitées par le rouge sont inhibées par le vert, celles excitées par le jaune sont inhibées
par le bleu, et celles excitées par le blanc sont inhibées par le noir (et inversement). De là à
imaginer « une cure par les couleurs » prônée par Fernand Léger avec son décor pour l’hôpital de
Saint-Lô, ou à comparer comme Matisse un tableau à « un bon fauteuil qui délasse de ses
fatigues »…

Par Malika Bauwens Beaux-art.com fév. 2023







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